Le président de l’Alliance pour le Changement et le Renouveau (ACR), Bruno Ben Moubamba, a adressé mardi une lettre ouverte à son ancien allié Ali Bongo dont il a été le vice Premier ministre au sortir de la présidentielle d’août 2016. Une lettre dans laquelle, le désormais opposant débarqué du gouvernement, se désolidarise des mesures d’austérité annoncées par les autorités gabonaises en tête desquelles Ali Bongo. Voici l’intégralité de cette lettre ouverte pour Gabon Matin :
Monsieur le Président, vous avez sacrifié le Peuple gabonais !
Monsieur le Président de la République,
Depuis la publication de notre lettre ouverte le 08 décembre 2008, adressée à votre prédécesseur, Feu EL HADJ OMAR BONGO ONDIMBA (qu’il repose en paix), nous avons toujours cherché à servir le bien public, au travers d’un discours de vérité sur l’état de la Nation. C’est dans ce contexte que votre Vice-Premier Ministre de l’époque, avait alerté en juin 2017, le Gouvernement et l’opinion sur les conséquences tragiques avenir du Mécanisme Elargi de Crédit (M.E.C), par lequel le Fond Monétaire International (FMI) a mis le Gabon sous un plan d’ajustement structurel ne disant pas son nom.
En effet, le Fond Monétaire International (FMI), en mettant à la disposition du Gabon, une part minime de six cent quarante deux (642) millions de dollars de prêt, ne pouvait qu’imposer des mesures d’austérité dont le peuple gabonais ne pouvait qu’en payer le prix.
Monsieur le Président de la République, vous avez sacrifié le peuple gabonais !
Non seulement votre Vice-Premier Ministre de l’époque vous avait prévenu qu’il existait d’autres méthodes de renflouement des caisses de l’Etat telles que :
- le regroupement des multiples caisses du secteur pétrolier ;
- le rachat de la dette ;
- l’optimisation des régies financières ;
- l’élargissement de l’assiette fiscale ;
- le recours aux Partenariats Privés Publiques (PPP) sans corruption.
Monsieur le Président de la République, pour rappel, le Fonds Monétaire (FMI) ne vous a pas dit de sacrifier le peuple gabonais au travers des mesures d’austérité insupportables telles que :
- la mise sous bons de caisse des agents du secteur public, avec des conséquences néfastes pour les banques ;
- la baisse des salaires pour la petite classe moyenne gabonaise dont le salaire se situe au-dessus de six cent cinquante mille francs (650 000 Fcfa), avec pour conséquences, la perte d’emplois pour le personnel domestique ;
- le gel des concours, mise en stages, titularisations, avancements et reclassements, pour une durée de trois ans, ce qui constitue un véritable génocide intellectuel et un sacrifice des jeunes issus des couches populaires ;
- l’interdiction de recrutement de la main-d’œuvre non permanente ;
- la mise à la retraite immédiate des agents absents pour cause de maladies de longue durée ;
- la réduction des effectifs des cabinets, ce qui équivaut à un désossement de l’Etat.
Le peuple gabonais n’acceptera pas de mourir à petit feu, c’est-à-dire, d’être sacrifié sur l’autel des intérêts égoïstes.
Monsieur le Président, vous avez sacrifié le peuple gabonais !
Rien ne justifie l’endettement austère du prêt d’environs cinq mille milliards de francs (5.000.000.000F CFA) dans notre pays.
Rien ne justifie l’endettement structurel que les projets du Plan Stratégique Gabon Émergeant (PSGE), n’ont pas touché les populations dans leurs grandes majorités notamment dans les secteurs de l’habitat, la santé, l’éducation, la sécurité et le pouvoir d’achat dans différents ménages.
La dette intérieure reste à payer, notamment dans les entreprises créatrices de richesses. Les fonctionnaires réclament depuis des décennies, le paiement de leurs rappels et primes.
Les déflatés de certains secteurs publics et para-publics n’ont jamais été satisfaits, certains ont trouvé la mort sans bénéficier de leurs droits.
Monsieur le Président de la République, le malheur de l’économie gabonaise ne se trouve pas à la fonction publique, mais ailleurs ! Et les auteurs de ces actes irresponsables et criminels, sont bien connus de tous, ils restent impunis et se préparent pour les législatives.
Le pays a perdu deux (02) ans depuis 2016 et aucune perspective ne se présente à l’horizon.
Tout semble sombre, surtout pour l’avenir de nos enfants, car l’éducation et la formation n’ont plus de sens au regard des mesures prises à leur encontre lors du dernier conseil des ministres. Le Gabon est le seul pays au monde qui sacrifie la formation et son élite future en fermant pour une durée de trois (03) ans, les grandes écoles publiques du pays.
Dans quelques jours, les fonctionnaires seront sous bons de caisse pour les uns. Le solde du mois de juillet a été lancé et tous les agents de l’Etat concernés pourront toucher les bons de caisse dans leurs banques respectives (c’est vraiment du jamais vu) ; les bons de caisse ne sont plus payés par les agences du trésor ? Les bons de caisse sont devenus des chèques qui seront payés par des banques, mais où allons- nous ?
Alors que pour les mêmes causes, il y a eu autant de recensements dont les résultats n’ont jamais été publiés par les mêmes acteurs du système.
En plus d’être sous bons de caisse, certains agents de l’Etat verront une partie de leurs salaires connaitre des amputations machiavéliques, en violation flagrante des droits acquis.
Pour d’autres, la quinzaine qui fait le prolongement de leur panier de la ménagère n’a pas eu lieu et passeront encore des semaines voir des mois, sans toucher leurs salaires d’ailleurs en deçà du coût de vie dû à l’inflation injustifiée mais croissante.
L’Alliance pour le Changement et le Renouveau (ACR) ne soutiendra pas un tel panel de mesures clochardisant le peuple gabonais.
Pourtant, le Président que vous êtes, avait bien déclaré qu’il ne sera heureux que quand tous les gabonais seront heureux .Ces mesures sont-elles pour favoriser l’épanouissement de ce peuple ? Ne mettent-elles pas en mal la cohésion nationale ?
Les mêmes flibustiers de l’opulence, tapis au cœur du Gouvernement et de la haute administration, sont à la recherche d’une potion magique pour masquer leurs crimes économiques et forcer les fonctionnaires à être bancarisés .Ces mêmes gouvernants, aujourd’hui veulent vider les banques du versement des salaires des fonctionnaires,
provoquant un déficit de celles-ci, qui avoisine les cinquante milliards (50 000 000 000) de nos francs.
A peine avons-nous eu un semblant d’augmentation des salaires, aussitôt on observe un prélèvement des sommes allant de cinq à quinze pour cent (5 à 15%) sur les mêmes salaires, sous prétexte de sacrifices économiques.
Ce n’est là, qu’une trahison du peuple gabonais.
Monsieur le Président, vous avez sacrifié le peuple gabonais ! Votre Gouvernement aurait pu faire des économies par :
- la réduction immédiate des Ministres,
- la suppression du Sénat,
- la déclaration au fisc des richesses du pays (or, diamant, bois, produits de la pêche, etc.).
Monsieur le Président, les mesures d’austérités prises par votre Gouvernement il y a quelques jours, réduiront les gabonaises et les gabonais à plus de précarité, c’est-à-dire à plus de décès par maladies, par famine, plus de chômage, et ces mesures arrivent dans un contexte sociale déjà assez difficile.
Monsieur le Président de la République, la crise économique n’a pas été provoquée par le peuple gabonais, mais par une association de flibustiers d’opulence qui vous entoure et qui vous a trahit en 2016 ! Ils vous trahissent encore aujourd’hui.
Depuis 2008, nous nous sommes engagés pour l’intérêt général ; c’est pour la stabilité de l’Etat que nous vous avons soutenu en 2016 et c’est pour éviter la casse sociale que nous vous avons mis en garde en 2017 contre l’ajustement structurel du Fond Monétaire International (F.M.I), dont nous payons les conséquences aujourd’hui. Et c’est pour l’intérêt supérieur de la Nation que nous vous adressons cette lettre ouverte.
Monsieur le Président de la République, soyez à la hauteur de l’histoire !